Nous avons tous besoin de repères

 
Nous avons tous besoin de repères

« A défaut de père, il convient d'avoir des repères » disait ma grand-mère préférée.

Un repère, c'est un point fixe (la plupart du temps), stable (autant que cela se peut), fiable (en fonction de la confiance que vous avez en lui), visible et connu (s’il a été porté à votre connaissance) qui vous permet d'aller dans une direction donnée ou de garder une cohérence interne dans les tempêtes parfois imprévisibles de la vie. Le repère ne vous dit pas qu'il faut rester ici ou aller là-bas, mais il vous indique, si vous avez fait choix d'une inclinaison, d’une direction, d'un objectif, d'une démarche, la direction que vous pouvez prendre. Le repère donne des informations à minima, il n'indique pas ce qui vous attend sur le chemin, seulement une information sur le bout du chemin !

Nous avons tous besoin de repères et cela dès le début de notre existence. Dans l’enfance, ceux-ci sont donnés par notre entourage (parents, proches, professeurs...). Ils nous sont :
- proposés, par une invitation à se conduire, se comporter, faire, dire, ne pas dire, ne pas faire...
- ou encore imposés sous forme d'interdits, de limites, de menaces ou de contraintes.

La plupart de ces repères sont rattachées à des croyances, qui sont des évidences pour nos parents et que nous allons intérioriser comme des certitudes pouvant même entraîner des rigidités.

Et puis il arrive un moment de notre existence où il nous appartient de nous donner des repères plus personnels, des balises, des limites ou des contraintes plus adaptées à ce que nous sommes devenus, pour la conduite de notre propre vie. Cela revient souvent à faire choix de valeurs qui vont devenir prioritaires, exigeantes aussi et nous entraîner parfois à nos opposer à ceux qui nous ont élevés. Quand nos repères sont intégrés, ne sont plus conflictuels en nous, ils nous donnent une assise intérieure et une grande confiance. Un repère peut s’appuyer, être nourri par des valeurs morales tout à fait personnelles, ou des valeurs sociales qui vont guider nos engagements, accompagner nos choix. Un repère peut être aussi le résultat d’un enseignement, ou lié à des expériences vécues +qui sont autant d’invitations à se recentrer, à garder cohérence sur le chemin choisi, à permettre de se retrouver dans les errances possibles.

Si on se rappelle que la liberté, c’est avoir la capacité de choisir et que choisir c’est apprendre à renoncer, nous voyons clairement la nécessité d’avoir des repères, une ligne de conduite ferme, des ancrages qui vont nous permettre justement de choisir. La grande fonction cachée des repères, c’est de nous éviter de nous laisser entraîner par la tentation du passage à l’acte, de confondre désir et réalisation, de n’obéir qu’à nos pulsions ou nos peurs. Ou encore de nous laisser définir par les autres, entraîner par leurs attentes ou leurs peurs. Il appartient à chacun de reconnaître les repères dont il a besoin et qui peuvent l’aider dans la conduite de sa vie. Ainsi quand je conduis une voiture par exemple, au-delà des règles du Code de la route, que je suis censé respecter, je me donne quelques repères supplémentaires. Quand j’entrevois des enfants au bord d’un trottoir, je ralentis. Un repère particulier s’impose alors à moi. « Avec les enfants danger possible, redoubler d’attention » s’inscrit vraisemblablement dans ma tête et m’invite à renforcer ma prudence. Je ne supporterais pas d’avoir attenté à la vie d’un enfant !

Un autre repère important pour moi sera de rester vigilant face aux messages toxiques, aux paroles et comportements négatifs qui viennent parfois d’autrui et que j’ai appris à remettre chez l’autre. Les quelques règles d’hygiène relationnelle auxquelles je me réfère en permanence me donnent plus de confiance, de consistance et d'énergie. Aujourd’hui comme adulte, mes repères sont à ma hauteur, ils m’accompagnent, alors qu’autrefois ils étaient derrière ou au-dessus de moi. Dans ma vie personnelle, un des repères qui a marqué ma vie fut de ne plus jamais me laisser définir par quelqu’un d’autre. Dans ma vie de formateur, ce fut de n’enseigner que ce que j’avais expérimenté, de n’écrire qu’à partir de ce que j’avais pu vérifier, valider par mon écoute, mon regard, ma présence. Un repère peut être souple, mais il doit rester ferme pour résister aux pressions, aux changements et aux variations qui jalonnent une existence.

Je souhaite à chacun de pouvoir se sécuriser et aussi se positionner avec suffisamment d’ancrages et de repères pour tracer sa propre route et ainsi rester fidèle à lui-même. Quand les repères ne sont pas devenus des carcans, ils sont semblables aux petits cailloux blancs sur les chemins conduisant au respect de soi.


Jacques Salomé


05/12/2006
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